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L’imagerie cérébrale ? Bien sûr, mais pas ici et pas maintenant…
- juin 2013
- Posté par Etienne
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De plus en plus d’entreprises-conseil proposent de l’imagerie cérébrale (IRMf, EEG…) et de nombreux professionnels du marketing se laissent subjuguer par ces images de cerveaux qui s’illuminent.
Nous prenons le parti de laisser l’imagerie à d’autres, voici pourquoi. La limite de la mesure : que regarde-t-on ?
Des différentes techniques d’imagerie cérébrale, deux sont particulièrement mises en avant pour leurs « applications » marketing : l’IRMf et l’EEG.
L’EEG ou électro-encéphalographie mesure l’activité électrique du cerveau. Sa précision temporelle est grande : on peut mesurer des changements d’état intervenant dans des échelles de temps de l’ordre du millième de seconde. En revanche, sa précision spatiale est très faible : la méthode ne permet pas de déterminer avec précision les structures cérébrales créant le signal électrique. Parfait pour diagnostiquer l’épilepsie, certains troubles cognitifs ou certaines lésions cérébrales, un peu juste pour dire si vous préfèrez Taco Bell ou Burger King.
L’IRMf ou Imagerie à résonance magnétique fonctionnelle mesure le flux sanguin et donc l’apport d’oxygène, ce qui permet de constater quelle zone du cerveau s’active à un moment donné. Sa résolution spatiale est importante, ce qui permet d’associer une zone à une fonction. En revanche sa précision temporelle est faible, de 1 à 10 secondes. Formidable pour faire des bilans pré-chirurgicaux, un peu lent pour analyser une dynamique de processus cognitifs.
La limite de l’analyse : Zone du désir ou réseau du désir ?
La plupart des analyses publiées ou médiatisées ont la structure suivante : quand une personne voit XXX, alors son lobe-préfrontal-hippocampe-amygdale-aire de broca (barrez les mentions pas assez impressionnantes) s’illumine. Or cette aire s’illumine quand vous avez soif, donc voir XXX donne soif.
Cette forme d’analyse pose un problème de bijection : il est rare qu’il y ait une relation 1 pour 1 entre une zone et une fonction… Certaines zones du cerveau interviennent pour des fonctions très diverses. Pour prendre une image : je bouge la jambe, or quand je danse je bouge la jambe, donc je suis en train de danser… Et bien non, je pourrais tout aussi bien être en train de marcher, nager, faire du vélo, jouer au football ou appuyer sur l’accélérateur. La zone jambe n’est pas associée à la fonction danse, de même la zone XXX est rarement associée à une fonction cognitive unique.
De fait, une fonction cognitive est souvent liée à l’utilisation en réseau de plusieurs zones, chaque zone pouvait être impliquée dans plusieurs réseaux fonctionnels.
La limite de la science : ils en disent quoi les scientifiques ?
On touche ici à un problème culturel : les entreprises qui commercialisent ces études publient peu et jamais leurs protocoles (qui sont propriétaires et donc partie intégrante de leur avantage compétitif). Du coup leurs résultats ne sont pas reproductibles et ne peuvent pas être évalués par la communauté scientifique. Celle-ci reste donc prudente au mieux, circonspecte au pire.
Force est toutefois de constater que la grande majorité des neuroscientifiques se mettent à pousser des cris d’orfraie ou à s’arracher les cheveux dès que parait un article qui dit « les neurosciences le prouvent : vous aimez votre iphone comme vous aimez votre fiancé(e) »
La limite de l’intérêt marketing : tout ça pour ça… et mon ROI ?
Et en admettant que ces soucis théoriques soient réglés dans le futur, que nous apportent les résultats aujourd’hui publiés ?
En vérité pas grand-chose que l’on ne sache déjà : la marque a une influence sur les préférences ; le fait de payer est douloureux et ôte du plaisir à l’acte d’achat ; …
Naturellement, valider ce que l’on sait déjà est important. Pour un scientifique visualiser ces notions, sur écran, est incroyable ! Mais pour le responsable marketing qui investit plusieurs dizaines de milliers d’euros, quelques mois et une équipe, c’est un peu faible…
En conclusion, ces techniques sont absolument remarquables, Elles nous permettent de mieux comprendre, elle nous permettent de mieux soigner, elles nous permettent de sauver des vies.
Elles sont aussi très onéreuses (équiper un CHU d’un équipement IRM c’est 2 à 3 M€) : en période de restrictions budgétaires, on peut raisonnablement poser la question d’un financement public-privé de ces équipements quitte à les utiliser (le dimanche ?) pour des recherches à finalité commerciale (En France, Les lois de bioéthique révisées en juillet 2011 restreignent l’utilisation de l’imagerie cérébrale à la recherche scientifique et médicale, avec une exception pour l’expertise judiciaire).
En l’état actuel elles n’offrent pas aux équipes marketing et communication des opportunités opérationnelles d’optimisation des taux de conversion, elles ne relèvent donc pas, pour l’instant, du NeuroMarketing Opérationnel.
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